Je ne sais
pas pour vous, mais pour moi, aller au bureau, c’est une longue frustration de
65 km. Je passe devant huit radars chaque matin, sur l'A1, qui relie Genève et
Lausanne.
Chaque
chevauchée wagnérienne se trouve interrompue par les appareils photo de la
maréchaussée helvétique.
C’est tout le
paradoxe du système routier actuel et même du système en général. Nous n’avons
jamais été aussi performants, mais cette performance est complètement inutilisable
du fait de la législation.
Les voitures
développent plus de chevaux qu’un char d’assaut, embarquent plus d’électronique
qu’un supercalculateur IBM, ont plus de dispositifs de sécurité qu’un avion de
ligne. Bref, on n’a jamais été aussi vite, aussi fort et aussi sûr.
Malheureusement,
les bords des routes sont constellés de dispositifs répressifs, maniés par d’impitoyables
pandores, dont l’objectif avoué est de vous arracher ce précieux papier rose, obtenu
dans d’indicibles souffrances.
Moralité, la
vitesse, ce n'est plus sur la route!
La vitesse,
cette pratique honteuse, honnie, bannie de nos routes, alors qu’elle a tant
apporté à notre développement ; et bien, on l’aime encore chez TAG Heuer.
Alors, certes, chez TAG Heuer, on l’aime sous forme horlogère, mais dans son expression la plus pure: toujours
plus vite, toujours plus fort.
Cela fait un
certain temps que TAG mène la « course à l’armement » des hautes
fréquences. L’objectif initial de cette série de développements, était de
produire un chronographe COSC.
Or, pour éviter
les perturbations, il faut avoir recours à deux organes réglant : un balancier
classique à 28800a/h et un organe réglant très haute fréquence pour le
chronométrage.
Vous noterez
que j’évite sciemment d’employer le terme de balancier pour l’organe réglant du
chronographe à très haut fréquence; pourquoi ?
Parce que Guy
Sémon, le directeur du développement chez TAG, a rapidement été confronté aux
limites physiques du balancier, en développant le Mikrotimer au 1/1000ème
de seconde.
Si le
Mikrograph, au 1/100ème, fonctionne très bien avec un balancier et
un spiral relativement classique, tandis que le Mikrotimer au 1/1000ème
ne possède déjà plus de balancier et son spiral très spécifique est assemblé à
même la tige….
Sa mise au
point fut très difficile; édité à seulement
11 exemplaires, c’est déjà un collector.
L’équipe de
développement a du réinventer la roue (plate !) pour dépasser les limites
physiques du spiral. Actuellement, ils sont produits par des laminoirs asservis,
mais même cette technologie de pointe arrive à ses limites. La marge
d’imprécision sur la largeur des spiraux est de 0.1 micromètre, ce qui conditionne
une précision moyenne d’environ 0.99sec/jour, au mieux (les calibres de grande diffusion
sont donc en général très précis).
Ainsi, on
arrive rapidement aux limites chronométriques d’un spiral classique. Plus la
fraction à mesurer est petite, plus la fréquence est élevée, donc plus la durée
de chronométrage restant dans les normes est faible. Au 1/1000ème de
seconde, la mesure du temps n'est précise que sur une minute environ, contre
100 minutes pour une mesure au 1/10ème. Cela signifie que les temps
de "chronographage " n’ont plus de sens au-delà de deux heures
avec une fréquence de 4Hz, sans compter, bien sûr, les pertes d’énergie et
autres perturbations.
Donc,
produire un chronographe COSC avec le chrono enclenché impose l'utilisation de deux
chaines énergétiques indépendantes (ou, si l'on veut être plus-que-puriste, d'une
seule chaîne d’énergie avec un système de régulation des différences de
couple).
Et si l’on
souhaite produire un chronographe avec une précision supérieure au 1/1000ème,
il faut totalement revoir la copie.
Ce qui a été
fait avec le Mikrogirder, dont le système de " poutres "
oscillantes (inspiré par Huygens, comme le spiral) permet une régulation
précise au-delà du 1/1000ème de seconde. Aux fréquences où le spiral
devient inopérant, l’organe régulant droit, lui, entre en résonnance et donne
un rythme précis.
Entre les
trois chronographes à haute fréquence, Mikrograph, Mikrotimer, Mikrogirder,
J’avoue une préférence pour le plus " lent ", le Mikrograph
au 1/100ème (souvenez-vous, nous avions eu la chance de
photographier celui d’Only Watch : lien ). A l’instar des foudroyantes
à fréquence lente (14400 ou 18000a/h), le ballet d’une aiguille très rapide
n’est jamais plus beau que lorsqu'il est encore perceptible par l’œil humain.
Le ballet du Mikrotimer l'est à peine, et celui du Mikrogirder est totalement
invisible: seul le fort bourdonnement nous informe du fonctionnement du chrono.
C’est là
qu’intervient, fort à propos, le MikrotourbillonS. C’est le dernier né de la
série. Comme son nom l’indique, il s'agit de tourbillons.
C’est un
virage intéressant dans la série : jusqu’à présent, la philosophie était "toujours
plus vite, toujours plus fort ". Nonobstant les innovations
importantes concernant l’organe réglant, c’était une évolution purement " quantitative ",
dans la mesure où elle ne faisait que repousser les limites de la fraction
mesurable par un chronographe mécanique. .
Aujourd’hui, l’innovation se fait plus qualitative en combinant
l’horlogerie la plus désuète (et donc la plus indispensable) qui soit : le
tourbillon avec les échappements à haute fréquence de TAG Heuer.
La montre présente
un classique tourbillon 1 minute associé
à un échappement 4Hz, classique lui aussi, pour égrener le temps, sa rigueur lui permettant d’être
certifié COSC, le tout servi par une réserve de marche de 45h.
A contrario,
l’échappement du chronographe est exceptionnel à tous les niveaux. D’une part,
c’est l'un des rares tourbillons équipés d'un stop seconde, indispensable avec
la courte réserve de marche (60 minutes) conditionnée par sa fréquence de 50Hz.
Non content d’être muni d’un dispositif d’arrêt, le tourbillon effectue 12
rotations par minute, bluffant! Mais tout ce bloc d’échappement contrôle la
grande seconde au 1/100ème, qui effectue un tour de cadran par
seconde. Enfin, à l’image du dispositif d’arrêt, ce n'est pas un fait unique,
mais c’est rarissime pour un tourbillon, il est certifié COSC.
A l’arrêt, La MikrotourbillonS est presque
placide, avec le poétique ballet du tourbillon 1 minute ; mais à
l’enclenchement du chronographe, c’est explosif ! L’échappement du
tourbillon devient fou, la grande aiguille des secondes file comme un missile :
totalement hypnotique.
Après
quelques années de blogging horloger, on est limite blasé, on croit avoir tout
vu, on pense que l’horlogerie n’a plus rien qui puisse nous faire encore sauter
les plombages…
Mais, là,
c’est objectivement la plus grosse claque que j’aie prise avec un chronographe
depuis la présentation du Jaeger -LeCoultre Duomètre en platine. En fait, une
claque bien plus cinglante: j’avais vu des tourbillons très impressionnants,
comme Histoire de Tourbillon 3, présenté il y a quelques mois; des chronos
ultra-rapides, comme la série des Mikros de TAG. Mais un tel combo dépasse mes
rêves les plus fous, tant c’est bluffant visuellement! La preuve en
vidéo :
Esthétiquement,
la montre arbore les codes typiques de TAG Heuer. Le boitier (45mm) en or rose
et en tantale, est très bien exécuté, le contraste entre les métaux sert bien
le propos du mariage entre le classique tourbillon et la haute fréquence. Mais
la présence de cornes un poil trop longues est un peu étonnante, considérant la
taille déjà respectable de la montre.
Côté cadran,
c’est un peu pareil : le décroché qui emmène vers les deux tourbillons est
assez original et permet de distinguer de manière élégante les côtes de Genève
et les ponts ultramodernes des tourbillons.
La lunette
(graduée de 1 à 100 pour la circonstance), aurait gagné à être aussi bien
intégrée à l’ensemble que les sous compteurs …
Au poignet,
la montre est d’une relative discrétion eut égard à la complexité mécanique du supersonique;
sans être une ultraplate d’une maison classique, elle n’est pas aussi show-off
que les créations de certains indépendants.
C’est tant
mieux, c’est une très grande complication que l’on peut porter avec la
décontraction d’un jeune passionné venant de se payer sa première belle montre,
une TAG bien souvent …
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