mercredi 26 septembre 2012

Tag Heuer Mikrotourbillons



Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, aller au bureau, c’est une longue frustration de 65 km. Je passe devant huit radars chaque matin, sur l'A1, qui relie Genève et Lausanne.
Chaque chevauchée wagnérienne se trouve interrompue par les appareils photo de la maréchaussée helvétique.

C’est tout le paradoxe du système routier actuel et même du système en général. Nous n’avons jamais été aussi performants, mais cette performance est complètement inutilisable du fait de la législation.
Les voitures développent plus de chevaux qu’un char d’assaut, embarquent plus d’électronique qu’un supercalculateur IBM, ont plus de dispositifs de sécurité qu’un avion de ligne. Bref, on n’a jamais été aussi vite, aussi fort et aussi sûr.
Malheureusement, les bords des routes sont constellés de dispositifs répressifs, maniés par d’impitoyables pandores, dont l’objectif avoué est de vous arracher ce précieux papier rose, obtenu dans d’indicibles souffrances.

Moralité, la vitesse, ce n'est plus sur la route!
La vitesse, cette pratique honteuse, honnie, bannie de nos routes, alors qu’elle a tant apporté à notre développement ; et bien, on l’aime encore chez TAG Heuer. Alors, certes, chez TAG Heuer, on l’aime sous forme horlogère,  mais dans son expression la plus pure: toujours plus vite, toujours plus fort.


Cela fait un certain temps que TAG mène la « course à l’armement » des hautes fréquences. L’objectif initial de cette série de développements, était de produire un chronographe COSC.
Or, pour éviter les perturbations, il faut avoir recours à deux organes réglant : un balancier classique à 28800a/h et un organe réglant très haute fréquence pour le chronométrage.
Vous noterez que j’évite sciemment d’employer le terme de balancier pour l’organe réglant du chronographe à très haut fréquence; pourquoi ?
Parce que Guy Sémon, le directeur du développement chez TAG, a rapidement été confronté aux limites physiques du balancier, en développant le Mikrotimer au 1/1000ème de seconde.
Si le Mikrograph, au 1/100ème, fonctionne très bien avec un balancier et un spiral relativement classique, tandis que le Mikrotimer au 1/1000ème ne possède déjà plus de balancier et son spiral très spécifique est assemblé à même la tige….
Sa mise au point fut très difficile;  édité à seulement 11 exemplaires, c’est déjà un collector.


L’équipe de développement a du réinventer la roue (plate !) pour dépasser les limites physiques du spiral. Actuellement, ils sont produits par des laminoirs asservis, mais même cette technologie de pointe arrive à ses limites. La marge d’imprécision sur la largeur des spiraux est de 0.1 micromètre, ce qui conditionne une précision moyenne d’environ 0.99sec/jour, au mieux (les calibres de grande diffusion sont donc en général très précis).
Ainsi, on arrive rapidement aux limites chronométriques d’un spiral classique. Plus la fraction à mesurer est petite, plus la fréquence est élevée, donc plus la durée de chronométrage restant dans les normes est faible. Au 1/1000ème de seconde, la mesure du temps n'est précise que sur une minute environ, contre 100 minutes pour une mesure au 1/10ème. Cela signifie que les temps de "chronographage " n’ont plus de sens au-delà de deux heures avec une fréquence de 4Hz, sans compter, bien sûr, les pertes d’énergie et autres  perturbations.

Donc, produire un chronographe COSC avec le chrono enclenché impose l'utilisation de deux chaines énergétiques indépendantes (ou, si l'on veut être plus-que-puriste, d'une seule chaîne d’énergie avec un système de régulation des  différences de couple).
Et si l’on souhaite produire un chronographe avec une précision supérieure au 1/1000ème, il faut totalement revoir la copie.
Ce qui a été fait avec le Mikrogirder, dont le système de " poutres " oscillantes (inspiré par Huygens, comme le spiral) permet une régulation précise au-delà du 1/1000ème de seconde. Aux fréquences où le spiral devient inopérant, l’organe régulant droit, lui, entre en résonnance et donne un rythme précis.


Entre les trois chronographes à haute fréquence,  Mikrograph, Mikrotimer, Mikrogirder, J’avoue une préférence pour le plus " lent ", le Mikrograph au 1/100ème (souvenez-vous, nous avions eu la chance de photographier celui d’Only Watch : lien ). A l’instar des foudroyantes à fréquence lente (14400 ou 18000a/h), le ballet d’une aiguille très rapide n’est jamais plus beau que lorsqu'il est encore perceptible par l’œil humain. Le ballet du Mikrotimer l'est à peine, et celui du Mikrogirder est totalement invisible: seul le fort bourdonnement nous informe du fonctionnement du chrono.


C’est là qu’intervient, fort à propos, le MikrotourbillonS. C’est le dernier né de la série. Comme son nom l’indique, il s'agit de tourbillons.
C’est un virage intéressant dans la série : jusqu’à présent, la philosophie était "toujours plus vite, toujours plus fort ". Nonobstant les innovations importantes concernant l’organe réglant, c’était une évolution purement " quantitative ", dans la mesure où elle ne faisait que repousser les limites de la fraction mesurable par un chronographe mécanique.  .  Aujourd’hui, l’innovation se fait plus qualitative en combinant l’horlogerie la plus désuète (et donc la plus indispensable) qui soit : le tourbillon avec les échappements à haute fréquence de TAG Heuer.

La montre présente un classique  tourbillon 1 minute associé à un échappement 4Hz, classique lui aussi, pour égrener  le temps, sa rigueur lui permettant d’être certifié COSC, le tout servi par une réserve de marche de 45h.


A contrario, l’échappement du chronographe est exceptionnel à tous les niveaux. D’une part, c’est l'un des rares tourbillons équipés d'un stop seconde, indispensable avec la courte réserve de marche (60 minutes) conditionnée par sa fréquence de 50Hz. Non content d’être muni d’un dispositif d’arrêt, le tourbillon effectue 12 rotations par minute, bluffant! Mais tout ce bloc d’échappement contrôle la grande seconde au 1/100ème, qui effectue un tour de cadran par seconde. Enfin, à l’image du dispositif d’arrêt, ce n'est pas un fait unique, mais c’est rarissime pour un tourbillon, il est certifié COSC.
 A l’arrêt, La MikrotourbillonS est presque placide, avec le poétique ballet du tourbillon 1 minute ; mais à l’enclenchement du chronographe, c’est explosif ! L’échappement du tourbillon devient fou, la grande aiguille des secondes file comme un missile : totalement hypnotique.


Après quelques années de blogging horloger, on est limite blasé, on croit avoir tout vu, on pense que l’horlogerie n’a plus rien qui puisse nous faire encore sauter les plombages…
Mais, là, c’est objectivement la plus grosse claque que j’aie prise avec un chronographe depuis la présentation du Jaeger -LeCoultre Duomètre en platine. En fait, une claque bien plus cinglante: j’avais vu des tourbillons très impressionnants, comme Histoire de Tourbillon 3, présenté il y a quelques mois; des chronos ultra-rapides, comme la série des Mikros de TAG. Mais un tel combo dépasse mes rêves les plus fous, tant c’est bluffant visuellement! La preuve en vidéo :


Esthétiquement, la montre arbore les codes typiques de TAG Heuer. Le boitier (45mm) en or rose et en tantale, est très bien exécuté, le contraste entre les métaux sert bien le propos du mariage entre le classique tourbillon et la haute fréquence. Mais la présence de cornes un poil trop longues est un peu étonnante, considérant la taille déjà respectable de la montre.
Côté cadran, c’est un peu pareil : le décroché qui emmène vers les deux tourbillons est assez original et permet de distinguer de manière élégante les côtes de Genève et les ponts ultramodernes des tourbillons.
La lunette (graduée de 1 à 100 pour la circonstance), aurait gagné à être aussi bien intégrée à l’ensemble que les sous compteurs …


Au poignet, la montre est d’une relative discrétion eut égard à la complexité mécanique du supersonique; sans être une ultraplate d’une maison classique, elle n’est pas aussi show-off que les créations de certains indépendants. 
C’est tant mieux, c’est une très grande complication que l’on peut porter avec la décontraction d’un jeune passionné venant de se payer sa première belle montre, une TAG bien souvent … 

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