vendredi 6 janvier 2012

Chérie! J'ai coulé un bronze. PAM382 inside:

Ces derniers mois étaient devenus intenables, j’étais dans l’état d’esprit d’un enfant de cinq ans la veille de noël.




Une longue couillonnade début novembre sur l’adresse de livraison avait achevé de me faire couler une bielle ; après deux semaines d’attente supplémentaire (la double peine en quelque sorte), la montre était enfin arrivée chez le transporteur à Genève.
Je saute dans l’Interceptor garé à Lausanne, pour un homerun à des vitesses «retrait de permis ISO 14001», ponctué de moult appels de phare hystériques adressés aux placides Helvètes sur l’autobahn, sur le thème de « la voie de gauche, tu l’aimes, ou tu la quittes »!!




Touchdown. J’arrive à 18h27, le transporteur fermant à 18h30. Je déballe furieusement le colis, le préposé me proposant son cutter rouillé (pardon, patiné) dont un terroriste stagiaire ne voudrait pas. Je lui rétorque que « Now I’m ready », dégainant mon Leatherman en acier 154cm, flambant !

Une fois le colis dépouillé comme un bobo en fin de manif’ Place de la Nation, je sors la bête. Les mauvaises langues vous diraient que ça ressemble à de la robinetterie, pour moi, toute belle et sans patine, que dis-je, virginale, c’est sans conteste une incroyable ode à l’élégance classique des proxos de Barbès-Rochechouart.




-C’est beau.

-Très beau.



Pourtant, j'me rappelle que malgré un report illuminé sur le SIHH2011, façon Zarathoustra-qui-descend-de-la-montagne, (Ainsi parlait Pifpaf), la PAM382 aka Bronzo n'a pas soulevé un enthousiasme débridé. On pourrait même dire que c’était un poil tiède, voire mitigé.




Deux raisons à ça, la raison évidente, c'est que devant le festival de nouveautés, c'était un peu dur de faire le tri "sur le papier".



Mais plus profondément, beaucoup de Paneristis ont encore des remugles des codes de l'horlogerie classique de luxe, avec leurs cortèges de bienfacture et d’intemporalité (« vous ne serez jamais propriétaire de cette Patek, juste le dépositaire pour les générations futures », blablabla…).
Et ici, l’OP signe une montre à rebours du discours classique de l’horlogerie, car c’est précisément une montre temporelle, une montre totalement inscrite dans le présent et qui vieillit avec son paneriste!
Pire, ou mieux! De la même manière qu’on choisit de cloper, de bâfrer, de picoler, de se bastonner, la PAM382 aka Gonzo va vieillir en fonction de la turbulence de son porteur.
Finalement on pourrait écrire : « Vous serez totalement propriétaire de cette montre, les générations futures n’auront qu’à se démerder». 



La démarche de «vintagitude» a été entamée depuis quelques années, plus c’est vieux, plus c’est légitime. C'est le kikimeter de celui qui aura le bracelet le plus pourri, le plus mité, le plus puant (« découpé sur la bête » mon bon monsieur)...
Mais coté montres, à grand renforts de Cape Cod, faut encore que ça brille, faut que ça soit propre comme un premier communiant.
Car finalement, c’est l’acier le véritable ennemi du vrai look-vintage-roots-gladiateur-qui-tache, un alliage formidable qui résiste beaucoup trop bien pour se patiner sérieusement! Un scandale!
Finalement, ce délai de relative incompréhension post-SIHH des Paneristis, correspond au temps de franchissement du Rubicond psychologique de la mythologie de «belle horlogerie de luxe ».



Bon, il faut bien le reconnaitre, avec cette PAM382 Aka Bête des Marais (Merci IMO), l'Officine a touché le fond, ou le plafond (selon le point de vue), en termes de trashitude.
C'est gros, c'est moche, c'est vert, ça rouille en 10 minutes, ça va pas avec grand-chose et surtout pas un costard. Bref, c'est de la balle.
Et ça répond à une attente de fond des fans d’horlogerie, le parallèle avec les montres de certains indépendants, Max Busser en tête, est évident.
On se fait chier dans des boulots de services décorrélés du réel, on doit respecter les vitesses, mettre un costard, se raser le matin, payer ses factures, ses taxes, ses assurances, signer les papiers du divorce, flagorner son boss, voter raisonnablement, pas boire, pas fumer, pas s’énerver, pas baiser (ou alors en respectant les règles d’hygiène épaisses comme l’annuaire des PTT), bref on vit une poussée de totalitarisme mou sans précédent.
Or, cette 382 aka Expendable offre l’inutilité, l’insécurité, l’inconfort de la transgression nécessaire et vitale. Cette montre, c’est 200 grammes de liberté qu’on emporte partout.





Bref, le coulage de bronze:

Sur l’esthétique, avec la PAM382 aka Gladiator, on va au bout du concept militaro-vintage. Tellement vintage d'ailleurs, que le bronze était massivement utilisé par l'armée, il y a 2700 ans.
D’emblée cet alliage fait penser au Steampunk, à Jules Verne, à son Capitaine Nemo. Mais dans les faits, suivant son humeur, on peut plutôt chercher du côté de Gladiator niveau sensations au porté.
Parce que finalement, l'univers du scaphandrier, c'est le monde du silence, de la contemplation ; mais ici, c'est tellement bestial, tellement viril, ça vous saute tellement à la gueule, qu'on est bien plus dans l'arène avec les fauves, que dans les fonds marins avec les poissons (ou alors au fond de l’Adriatique, avec des Santoni en béton).



La ligne Submersible chez Panerai, c’est une ligne intéressante, car à part un vague hommage à la Big Egy 2/56 avec la lunette, cette série est un quasi-pur avatar de la période Richemont. Concrètement, c’est un peu un test in vivo de la créativité et de la compréhension de Panerai par l’Officine.
La 24-25, c’était à peu près le pire de ce que pouvait faire l’Officine en termes de design et de finitions. Puis apparurent les Bombas, et les Submersibles 47mm, et assez rapidement, on est entré dans un univers technique, conditionné par la foule de contraintes dues aux normes de plongée, obligeant à pas mal de concessions du point de vue historique.
Ensuite, la PAM305 a pris le pas sur les superbes mais Vulgos anciennes Sub 47mm. Si la finition et le calibre sont au rendez-vous, la montre, afin d’éviter l’écueil du vulgos, est austère, voire froide.
C’est cette année que l’Officine propose des Submersibles complètement abouties avec la 371 et la 382, en y ayant ajouté juste ce qu’il faut de couleur.



La révolution dans cette Submersible, ce n’est pas tant d’avoir utilisé du bronze, une kyrielle de marques l’on déjà fait au cours des 30 dernières années : Genta, Anonimo, Cuervos & Sobrinos, etc… Non, la révolution, c’est d’avoir sorti le bronze du ghetto des marques de troisième ligne. C’est d’avoir, comme souvent chez l’Officine, transformé le bronze en or avec une esthétique et une cohérence de produit inaccessibles aux habitués de Nanarland. Un peu à l’instar de Technotime qui peine à trouver des clients prestigieux reflétant au mieux la qualité de leur production, le bronze n’avait pas réellement de hérault horloger.



[Panipedia]
Le bronze CuSn8 selon son appellation Allemande (willkommen in der Suisse Romande! Il s’appelle C52100 aux USA ou CuSn9P en France), est composé à 92% de cuivre et 8% d’étain. C’est un des alliages de bronze présentant une haute résistance à la corrosion et n’étant que faiblement allergène (voire même « alimentaire »).

Au bout d’un mois de port intensif, premier signe d’allergie au niveau du protège couronne avec quelques démangeaisons, à moins que ce soit un effet de l’hiver helvète sur la peau de ma main. Il faut dire que les cornes ou le boitier, à cause du fond bombé, ne touchent pas du tout la peau, la boucle Aftermarket Di Stephano, en bronze également, me démange de manière aléatoire.
Toujours question confort, la montre est pesante, mais la densité du bronze est très proche de celle de l’acier (9 contre 8), donc si la différence est notable par rapport à des montres plus chétives, elle est dans la norme des Sub 47mm.

La montre fait dans les 200 grammes avec son bracelet, c’est lourd, c’est une montre confortable si on tient compte de son gabarit. Mais si vous avez un poignet fragile ou un bracelet mal ajusté, c’est que vous n’êtes pas digne de porter la même montre que Sly.

C’est un peu l’équivalent de l’or rose 4N, pas la variété la plus exotique, mais la variété la plus stable et éprouvée.
Amagnétique, il a une dureté oscillant autour de 150 Vickers, se situant entre l’or 18k et l’acier en termes de dureté.
D’ailleurs, je viens de mettre un #*$ ¤% de bing sur la lunette, c’est vraiment, mais alors vraiment pas le métal le plus dur!
Le cuivre qui compose à 92% le boitier est l’un des métaux, si ce n’est le métal le plus utilisé dans l’horlogerie, on retrouve le cuivre en grande quantité dans les ébauches, de maillechort, de laiton, dans les produits de décolletage. Le cuivre est considéré comme le métal le plus noble après les métaux précieux, grâce à sa ductilité, sa résistance à la corrosion, ainsi qu’à sa bonne conductivité. Surtout, c’est l’un des rares métaux doré/saumon, ce qui lui confère un visuel décalé et chaleureux dans un océan métallique grisaillant.
[/Panipedia]



Le bronze est beaucoup plus chaud que le titane, et la montre parait plus volumineuse, plus imposante, impossible de l’oublier au quotidien! Le bronze adoucit aussi beaucoup les angles, la Bronzo semble plus arrondie que la PAM305 .
Le galbe du boitier 1950 prend encore une autre dimension avec le bronze, la patine souligne encore mieux les courbes que le titane ou l’acier. L’alliance de nouveaux métaux et de nouveaux dessins de boitier promet de très belles choses dans les années à venir. Comment avons-nous fait pour vivre tant d’années avec seulement du Bettarini en acier?
La lunette façon Nautilus (de «Pimp my Submersible feat Nemo», pas « Da Pa-teK by MC Genta») est le point d’orgue de cette montre, assez rapidement, la lunette se patine et les index « clous de Paris » polis ressortent comme des ratiches en joncaille. L’aspect du bronze fait que la lunette parait moins plate que celle de la 305, on retrouve presque les sensations pitbulienne des Bombas, le confort en plus. Le décapsuleur, à cause du faible contraste entre les couleurs du bronze et de la peau, est beaucoup moins présent visuellement que sur les autres Luminors 47mm.



Niveau vieillissement, en utilisation normale, ça prend plusieurs années pour avoir une montre verte. Sur le .com, certains la passent à l’eau, voire à l’eau de mer, pour accélérer les effets, là on est dans le choix, comme je l’écrivais plus haut, c’est une montre personnelle mais surtout personnalisable!
D’ailleurs, si le vert est la couleur naturelle du bronze oxydé, elle peut être d’à peu près toutes les couleurs, suivant les acides qu’on utilise pour attaquer le bronze, comme le font les sculpteurs. (Pifpaf décline toute responsabilité en cas d’utilisation inappropriée de votre Gonzo).



A l’instar du bronze, le cadran lui aussi est une grande première pour Panerai et une rareté en horlogerie. Le vert est une couleur complètement sous-exploitée dans la cadrannerie, et même si c’est la teinte historique de Rolex, bien peu de fabricants la proposent, on voit notamment plus de cadrans rouges ou oranges… Le vert, c’est la couleur du bronze vieilli, mais c’est aussi la couleur des feuillages, dans lesquelles les bidasses aiment à se nicher. Ces grands timides ne font rien qu’à peindre leurs chars et leurs habits en vert.
Ce clin d’œil aux camouflages militaires est d’une teinte très proche des fameux GMC CCKW 353 (gogol est ton ami).
Comme sur la 371 avec son cadran bleu, le vert procure beaucoup plus de dynamisme que le noir de la 305.
Dans un souci du détail symptomatique de l’augmentation qualitative de l’OP, le disque de date est aussi vert et incontestablement, le Luminova vert se marie parfaitement avec la montre.
Le saphir de 4mm d’épaisseur, c’est celui des PAM305, c’est efficace, ça déforme juste ce qu’il faut pour se rappeler que c’est une montre de plongée ; on peut regretter l’absence de loupe interne pour la date, mais je ne suis pas prêt à avoir 2mm de plus en épaisseur « juste » pour ça.



Le seul point noir se situe au niveau des aiguilles : elles sont dorées (laiton ?) et c’est cohérent avec l’ensemble ; ce qui l’est moins, c’est qu’elles sont évidées. Car si on s’y fait rapidement de jour, c’est beaucoup plus compliqué la nuit, le cadran flashe moins que pas mal de Panis, et on se retrouve à déchiffrer de multiples points lumineux mal contrastés. Pas terrible au volant par exemple.



Ensuite, en retournant la montre, on a un fond saphir cerclé d’une bague en titane afin de prévenir les allergies. Pour une fois le fond transparent est bienvenu, car un fond plein en titane n’aurait pas apporté grand-chose sur une montre en bronze.
Avant tout, il faut préciser que la norme des plongeuses impose un calibre automatique, donc le choix est forcément restreint.
La montre est équipée du P.9000, sans la RdM que l’on trouve au dos de la PAM371 ; mais ce mouvement reste un gros effort de l’OP comparativement aux 7750 châtrés qui équipent les anciennes Sub.
C’est un calibre intéressant, qui fonctionne sur un pointage proche de la série P.2000, avec seulement 2 barillets, pour une RdM théorique de 72heures (dans les faits au moins 75, voire plus, j’ai pas réussi à lâcher la 382 plus longtemps  ).
Le balancier tourne classiquement à 28800 a/h. Classique aussi, c’est le diamètre de 13 lignes et la hauteur de 8mm . Si ce sont les côtes du P.2002, ce sont aussi celles du 7750, l’Officine aurait pu produire un calibre plus fin et plus large à l’image du P.3000. Mais c’est déjà un très gros mouvement comparé à un classique 28-XX de chez ETA. Il faut comprendre que mettre au point un calibre prend plusieurs années, et qu’à l’époque les PAM 40mm constituaient le gros des ventes.
La décoration est bien faite, sans fioritures et parfaitement dans l’esprit de ce que doit être un calibre de Panerai, on pourrait regretter une déco un peu décalée (surtout la découpe de la masse de rotor digne d’une MB&F), peu en rapport avec le look vintage de la montre ; mais bon, s’acharner sur les diptères avec tant de véhémence, c’est un coup à avoir des problèmes avec la SPA.
C’est toutefois un choix cohérent, car l’offre est plus que limitée. Personne ne propose un calibre automatique plus grand (le TT738 de Technotime est plus fin pour des caractéristique analogues).
Sur la précision, rien à dire, comme avec beaucoup de mouvements industriels émanant de groupes, elle est toujours exceptionnelle, avec moins d’une minute de déviation constatée sur ce premier mois (environ une seconde d’avance par jour).
Ce mécanisme presque In-House (conception et assemblage Val Fleurier), en tous cas groupe, offre tout le confort qu’on peut souhaiter dans une montre de coût.



La Bronzo est livrée dans une boite façon chrono de marine à tomber, et si la qualité des boites de l’OP est toujours au RdV, dans ce cas-là elle est exceptionnelle : bois précieux, plaque et clef en bronze, bref, ça justifie le prix de la bête.
Par contre, les straps livrés font pire que de la peine : un veau marron moche, et le mochissime bracelet en toile de voile (pourquoi ne pas avoir mis le superbe caoutchouc accordéon de la 305?); en plus, il n’y pas de boucle en bronze idoine.
La nature ayant horreur du vide, les strapmakers veillent au grain (les bracelets étaient livrés bien avant la montre).
Le gros vert des photos façon peau de Hulk tanné est un « Maiala » en veau nubucké de Mustang Straps (j’attends un canvas vert également, pour parfaire le look « Band of Brothers »). Le « Gator » sans coutures est un Simona Di Stephano. Après pas mal d’essais, la montre fonctionne mieux avec des bracelets foncés, verts ou marrons.



Cette montre, comme la PAM339 l’année d’avant, est une pièce charnière pour l’OP. Car avec ce genre de réalisations, l’Officine fait plus que remixer avec plus ou moins de bonheur les hits des 40’-50’, elle transcende les codes du vintage pour présenter un produit nostalgique et (donc ?) ultra-transgressif.
Un grand écart réussi avec brio. C’est d’ailleurs un fabuleux pied-de-nez , à l’heure ou Hublot ou d’autres nous proposent des matériaux High-tech, inaltérables, utilisés dans l’armement de pointe (le carbure de bore du Magic Gold sert à la base dans le blindage ). A contrario, l’Officine nous propose une montre en alliage de cuivre, le Bronzium ;), un matériau High-tech il y a 5000 ans. Une pièce conjuguée au Futur primitif .

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