lundi 21 novembre 2011

Parmigiani Mechanical Wonders @ La Vieille Russie NY

Assister à une exposition de la collection Sandoz, l’une des plus belles collections d’horlogerie ancienne, c’est transcender sa culture horlogère.

Bien souvent, en voyant les montants phénoménaux atteints lors de certaines ventes aux enchères horlogères, la question qui se pose est celle du sens. Crise du sens ? Crise des investissements ? Crise des valeurs ?
Or, c’est bien au contraire un hommage à la culture horlogère classique : soit un hommage direct, en rachetant au prix fort des raretés comme les pistolets des frères Rochat ; par exemple la paire de pistolets à été adjugée à 5 millions récemment en Asie. Soit un pari sur l’avenir, quand des collectionneurs mettent des sommes folles sur une grande complication récente, on peut penser à la Patek 3939 Only Watch adjugée à 1.4 millions d’€uros.
Les achats de très haute horlogerie, sont des achats de concepts techniques, uniques pour les plus anciens et dont les secrets de réalisation sont perdus ; on se rapproche des enchères d’art, où le principe est d’acquérir un concept artistique unique. Que l’on joue la sécurité, la passion ou la rentabilité, le sens reste le même, on mise sur la pérennité d’une industrie qui a su conserver ses métiers d’art.

La nouvelle horlogerie indépendante, Hautlence, Urwerk, De Béthune, si brillante, si créative, puise son inspiration, sans forcément le revendiquer, dans l’horlogerie classique des « grands pères de l’horlogerie » ; Berthoud, Breguet, Leroy, Rochat, sont autant de précurseurs de techniques réactualisées.
Force est de constater que l’horlogerie des 50’-60’s (Rolex, Oméga…) qui fascine certains passionnés sur le net, n’est pas la plus créative : à cette époque, il s’agissait de produire vite et bien ! Il fallait fournir les industries avec des montres petites mais précises, pour concurrencer l’horlogerie Américaine productiviste.







Aux XVIII et XIXème siècles, c’est avant tout le concept qui primait, tout restait à faire, et les capacités d’imagination, de concentration et d’abstraction des grands maîtres compensaient largement les programmes les plus affutés de nos ordinateurs surpuissants.
Le meilleur moyen de comprendre leur démarche est de sauvegarder leurs œuvres. D’ailleurs, la restauration de pièces anciennes est un passage obligé pour nombre de grands horlogers actuels, tels qu’Oeschling, Flageollet, Fraesdorf, etc.
Or, dans ce domaine, l’un des ateliers les plus prestigieux, voire le plus qualifié, est celui de Michel Parmigiani.
Les nombreuses pièces passées par l’atelier de restauration ont essaimé dans la tête des horlogers de Parmigiani Fleurier.
Il faut dire que l’atelier de restauration est situé deux étages au-dessus de celui dédié aux grandes complications, c’est ce qu’on appelle la communication verticale, au sens littéral !
Après la Tonda Hémisphère 42 et la Pendulette « Le Chat et la Souris », Parmigiani Fleurier présente deux nouvelles montres, elles aussi directement inspirées de la collection Sandoz.





La Toric Minute Repeater Capitole présente un assemblage de complications rarissime, Heure vagabonde à satellites et Répétion minute ! Bien évidemment, avec un affichage minimaliste, la répétition minute prend tout son sens, notamment dans le noir (à éviter au cinéma néanmoins !).
Cette configuration de complication a déjà été présentée par Audemars Piguet au travers de la John Schaeffer Star Wheel, il y a presque 20ans ; la taille (33mm) aussi bien que l’esthétique, tiennent plus de Le Corbusier que de Frank Lloyd Wright et font que cette montre n’est plus d’actualité.
Parmigiani arrive donc avec la Toric Capitole, le regard résolument tourné… vers le passé ! En effet, cette montre et en particulier son mouvement, tire son inspiration de la montre Secteur à Répétition des quarts des frères Perrin, l’une des plus fameuses montres de poche de la collection Sandoz.
Cette pièce (Réf Sandoz : FEMS 68) constitue un paradoxe, la montre est en effet d’une grande sobriété dans sa présentation extérieure ; le fin guichet est entouré d’une gravure d’une relative simplicité.






Pour remettre cette décoration dans son contexte, il convient de la comparer à d’autres pièces de la collection Sandoz.
Si la décoration extérieure est simple, à l’intérieur, c’est l’explosion esthétique : j’avais déjà eu la chance de voir cette pièce au SIHH en 2010, c’est l’une des plus belles décorations de mouvement qu’il m’ait été donné de voir. Mais la somptuaire décoration du mouvement est happée par le timbre en forme de serpent, ondulé et bleui alternativement!!
Bien évidemment, la réalisation d’un tel timbre, qui malgré son esthétique restitue un son cristallin et volumineux, était un exploit technique du temps des frères Perrin.










Et ça l’est toujours ! Car la Toric Capitole intègre la même décoration, dans une échelle réduite de 40% (en passant d’un boitier en or jaune de 60mm à un boitier en or blanc de 45mm)!
La réplique du serpent est plus que fidèle, elle magnifie l’esthétique originale des frères Perrin. Au milieu de ce timbre, il y a un mouvement, dont les multiples ponts ajourés, à la limite du squelettage, servent de prétexte à une débauche d’angles rentrants de très haut niveau. Si la finition est objectivement supérieure à celle de la platine bleuie des frères Perrin, subjectivement, on peut regretter les contrastes offerts par les platines sablées et les ponts bleuis de la pièce originale.
Coté «cadran», comme sur la montre du XVIIIème, la sobriété est de mise, la décoration présente sous le guichet reprend la vue du dessous des dômes et autres décorations de sol des Capitoles.
Le guichet parfait la discrétion, les satellites ouvrent sur un secteur en nacre parcouru par des chiffres en or blanc.







Sur ces deux montres, la sobriété extérieure tranche avec la démonstration de techniques et le festival esthétique déployés à l’intérieur, à la manière des montres Saxonnes. Plus que jamais on achète une montre pour soi.



Avec L’Elliptica, présentée en dehors des grands événements, Parmigiani signe l'une des pièces majeures de l’année 2012 à venir.
Au SIHH 2010, j'avais pu assister à une présentation privée d'une partie des montres anciennes présentées à « La Veille Russie à New York aujourd'hui ».
Il y avait cette magnifique pièce des frères Vardon & Stedman, une montre de poche de forme ovale ! Elle est exceptionnelle, parce qu’elle bénéficie d’aiguilles télescopiques qui se rétractent en suivant le réhaut, prouesse d’affichage datant de plus de 200 ans et qui n’avait jamais encore été rééditée sous cette forme. Quand j’ai vu cette montre, j’ai cherché une quelconque version modernisée sur le net. Rien ! C’est l’un des moments où l’on regrette de ne pas être horloger !
Deux ans plus tard, Parmigiani propose un hommage véritable à ce gousset : L’Elliptica, PF réalise une montre qui ne se contente pas de singer l’esthétique originale, mais reproduit intégralement la complication !
C’est aussi l’une des montres de forme les plus abouties, qui affirme sa forme ovale jusqu’au bout des aiguilles. Les aiguilles se rétractent vers 3 et 9h et se déploient vers 12h et 6h. Pour les fans de grandes aiguilles, c’est l’extase : non contentes d’être grandes, elles deviennent plus grandes encore !





Basé sur son calibre PF 110 (8 jours à 21600a/h), cette Elliptica embarque le mouvement de forme PF114, 8 jours également, proposant une décoration florale ciselée. La complication d’affichage qui permet de «tirer » sur les bras ou «d’appuyer» dessus pour modifier leur longueur est relativement épaisse, comme le laissent deviner les réhauts des guichets de la RdM et de la date, respectivement situés à 12h et à 6h.
Dans le domaine du rêve, on pourrait imaginer dans le futur, une grande seconde qui suivrait la même courbe elliptique.

Evidemment, en horlogerie, la technique n’est rien si elle n’est pas servie par une esthétique sans faille. De ce point de vue, la montre est une réussite absolue ; seule critique, l’ouverture sur le mouvement au dos de la montre, que l’on pouvait espérer complètement ovale, alors qu’elle est vaguement patatoïde…
Réussir une montre ovale est toujours un défi, car cette forme a parfois été galvaudée par des montres de supermarché, un peu kitsch… Ici la montre est belle, car elle emprunte au Bauhaus, à l’art déco (une influence de fond chez PF).
Les cornes de la maison de Fleurier ne s’intègrent jamais si bien que sur les boîtiers de forme, comme sur la Bugatti Super Sport (la montre), elles collent parfaitement à l’esthétique décalée du boîtier. Comme vous pouvez le voir, au poignet, c’est plutôt une montre de Dandy, le rétrécissement des cornes au niveau des pompes suit parfaitement l’ovale du boîtier.





Coté cadran et aiguilles, c’est une vraie surprise, les index peints lui confère un coté sport très polyvalent. Avec un traitement à l’émail grand feu, on reste bien sûr dans le domaine du chic. A l’instar des index, les aiguilles déployantes sont bleues, à la flamme également.
L’ovale est omniprésent dans la montre, du bout des aiguilles aux cornes, en passant par les chiffres, la pièce bénéficie d’un jusqu’au-boutisme géométrique total ; on en est presque à regretter que l’on n’invente pas le balancier ovale !







Cette montre est vraiment l’une des plus grandes réussites de Parmigiani, elle combine l’esthétique habillée, mais décalée, sans surcharge ou faute de goût, le chic qui n’empêche pas le sport. C’est le genre d’esthétique dandy que l’on attendrait de maisons aux noms plus fameux, comme Vacheron ou Patek.
Mais Parmigiani a la chance de posséder tous les savoir-faire internes et l’ouverture d’esprit qui permettent la (re)naissance de cette montre. Les deux montres exposées, en or rose et en or blanc, sont des exemplaires uniques, vendues dans les premières heures de « Mechanical Wonders » ; prions pour qu’elles inspirent une version de série pour le SIHH 2012.



Parmigiani est une marque dont on parle peu sur le web, phénomène inexplicable, au regard de la qualité des montres. Si la Toric est « juste » une autre grande complication, l’Elliptica est bien plus, car elle permet d’illustrer la démarche de Parmigiani, qui consiste à conditionner l’esthétique par la technique en puisant dans l’immense vivier de la collection Sandoz.

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